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Jean-Philippe Tanguy
Question N° 9625 au Ministère de l’économie


Question soumise le 4 juillet 2023

M. Jean-Philippe Tanguy alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les investissements réalisés en France par des fonds souverains étrangers dans le domaine de la santé. Si la crise du covid-19 a révélé la force et le dévouement des soignants, cette crise sanitaire a mis au jour la fragilité du système de santé français et l'extrême dépendance de la France aux pays étrangers, provoquant de lourdes pénuries pour les concitoyens et une forte augmentation des prix. Pour faire face aux importants besoins en capital, que pourrait néanmoins couvrir l'épargne nationale, la France et les pays du Golfe ont renforcé leur partenariat avec des projets d'investissement orientés vers les services dans les secteurs de la santé, de l'éducation, des maisons de retraites et de l'immobilier. Ainsi, en 2015, le fonds souverain des Émirats arabes unis, Mubadala, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, a repris le groupe de cliniques privées Vivalto santé, troisième groupe de cliniques et d'hôpitaux privés en France, qui représente 50 établissements. En 2021, le même partenariat Mubadala / Bpifrance investit dans la société stratégique Adista pour en devenir l'actionnaire majoritaire avec Keensight Capital. Adista est spécialisée dans les services informatiques et télécoms et propose à ses clients (entreprises privées mais aussi acteurs publics tels que les hôpitaux et collectivités territoriales) des services de cybersécurité, de cloud et des solutions télécoms fixes et mobiles. En 2021, c'est le quatrième groupe français de cliniques privées, Almaviva, qui compte 41 cliniques privées, qui voit entrer à son capital le fonds Wren House Infrastructures. Fonds basé à Londres mais qui est soutenu par le fonds souverain du Kuwait, Kuwait Investiment Authority. À son article L. 151-3, le code monétaire et financier prévoit que le ministère de l'économie et des finances est chargé de donner une autorisation préalable aux investissements étrangers dans un certain nombre de domaines. L'article R. 151-3 du même code établit une liste de ces domaines dont fait partie « la protection de la santé publique ». Or les établissements de santé, comme les entreprises de cybersécurité œuvrant auprès de ces derniers, agissent pour la protection de la santé publique. Les professionnels du secteur de la santé sont particulièrement inquiets de ces opérations de capitalisation étrangères. Alors qu'il existe des investisseurs locaux en capacité de porter des projets d'entreprises, comme c'est le cas dans la Somme, les sociétés passées sous capital étranger adoptent des politiques particulièrement agressives dans leur volonté de prise de contrôle d'entreprises de taille intermédiaire. Les acteurs locaux sont implantés sur le territoire depuis de longues années et ils connaissent ses spécificités. Ils créent de l'emploi, développent une offre de santé en complémentarité à l'hôpital public, ils permettent de dynamiser les communes, notamment en zone rurale. De ce fait, M. le député demande à M. le ministre si le Gouvernement a effectivement donné une autorisation préalable à la réalisation des investissements étrangers et quelles garanties il a obtenu dans la protection de la santé publique. Dans l'hypothèse où aucune autorisation n'a été donnée, pourquoi de telles prises de capital ont-elles pu être réalisées ? Il est primordial de protéger les entreprises françaises de secteurs clefs, comme celui de la santé, des prises de participation étrangères agressives. Il soauhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse émise le 29 août 2023

Le contrôle des investissements étrangers en France réalisés dans les entreprises sensibles constitue l'une des préoccupations constantes du Gouvernement. Dès 2019, un renforcement de la politique de contrôle des investissements étrangers en France a été opéré par la loi PACTE, qui a élargi le champ des opérations contrôlées, des secteurs concernés et renforcé les sanctions en cas d'infraction à la procédure. L'objectif poursuivi est double : d'une part, protéger nos intérêts nationaux en garantissant la pérennité sur notre territoire des entreprises dont les activités sont de nature à affecter l'ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, et d'autre part, maintenir l'attractivité de notre économie auprès des investisseurs étrangers. Le dispositif national inclut depuis plusieurs années les infrastructures, biens ou services essentiels à la protection de la santé publique dans le champ des activités susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale, à l'ordre public et à la sécurité publique. En réponse à la crise sanitaire, le Gouvernement a par ailleurs renforcé le dispositif de contrôle en étendant à la fois le champ des activités et des opérations d'investissement éligibles. D'une part, les biotechnologies ont été ajoutées par l'arrêté du 27 avril 2020 à la liste des technologies critiques pour lesquelles les activités de recherche et de développement peuvent être soumises à un contrôle. D'autre part, afin de se prémunir de prises de participations opportunistes non européennes pouvant présenter des menaces pour la sécurité nationale, le seuil déclenchant le contrôle des investissements étrangers en France dans les sociétés françaises cotées a été temporairement abaissé de 25 % à 10 % des droits de vote. Cette mesure a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2023 par décret du 23 décembre 2022. Pour certaines opérations éligibles, le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France permet de soumettre l'autorisation d'investissement au respect de conditions par l'investisseur. Ces conditions sont toujours proportionnées au risque identifié pour les intérêts nationaux et peuvent être très contraignantes, afin de maintenir les activités sensibles en France, notamment en veillant à ce que ces activités ne soient pas soumises à la législation d'un État étranger susceptible d'y faire obstacle, de protéger les savoir-faire et les compétences de l'entreprise française, voire d'agir sur la gouvernance de l'entreprise sensible. En 2022, parmi les 131 opérations qui ont été estimées éligibles à la procédure de contrôle, 53 % ont ainsi fait l'objet d'autorisations sous conditions. Si des conditions ne permettent pas de pallier les risques identifiés ou lorsque l'honorabilité de l'investisseur est en cause, l'investissement peut ne pas être autorisé et l'opération n'aura pas lieu. Si le contrôle des investissement étrangers en France est un outil pouvant concourir à la politique de sécurité économique, il n'en est néanmoins pas le seul, et demeure strictement destiné à la protection de la défense nationale, l'ordre et la sécurité publics. Ainsi, comme annoncé par le Président la République le 13 juin 2023, le Gouvernement poursuit une politique offensive de renforcement de la souveraineté sanitaire de la France qui devrait permettre d'accélérer la relocalisation sur le territoire français des capacités de production de médicaments essentiels.

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